Burkina Faso : la rue démissionne le président Blaise Compaoré

 |  par Patrick JEAN-PIERRE
C'est l'histoire de l'arroseur arrosé. Blaise Compaoré avait pris le pouvoir il y a 27 ans dans la violence, peu après l'assassinat jamais élucidé du président Thomas Sankara qui le considérait comme son meilleur ami. C'était en octobre 1987.
Il vient d'être chassé du pouvoir par un soulèvement populaire hostile à son projet de modifier la Constitution à son avantage. Il voulait s'offrir la possibilité de rester jusqu'à 15 ans de plus au pouvoir.
Vendredi, l'Etat-major de l'armée burkinabè a annoncé qu'il n'était plus le chef d'Etat. Une information confirmée peu après dans un communiqué par la présidence de la République.
C'est un militaire qui devient le nouvel homme fort du pays : le chef d'état-major de l'armée, le général Honoré Traoré, s'est proclamé président. L'armée a dissout le gouvernement et le parlement, et annoncé une période de transition de douze mois, qui durera jusqu'à la prochaine élection présidentielle.
Agé de 63 ans, Blaise Compaoré a provoqué lui-même la fin anticipée de son long règne, qui aurait dû normalement s'achever l'année prochaine. Il voulait modifier par voie législative l'article 37 de la Constitution, qui l'empêchait de solliciter un nouveau mandat.
L'opposition qui depuis longtemps attend son heure ne l'a pas entendu de cette oreille. Dénonçant ce qu'elle a appelé « coup d'Etat constitutionnel », elle a appelé à manifester, et les Burkinabè sont descendu dans la rue par centaines de milliers, dès mardi.
Jeudi, jour de l'examen du projet de révision par les députés, une foule immense a investi l'Assemblée nationale qui a été partiellement saccagée. Les manifestants rejoints par des militaires ont également pris d'assaut la télévision publique, avant d'aller faire siège du palais président. Les violences, qui ont également eu lieu en province, notamment à Bobo Dioulasso, la deuxième ville du pays, ont fait plusieurs morts.
Après trois jours de résistance, Blaise Compaoré qui avait réussi par deux fois, en 1997 et 2000 à tripatouiller la Constitution pour se maintenir au pouvoir a donc quitté la scène par la petite porte. Ses soutiens occidentaux, notamment la France avec laquelle il était engagé à titre de médiateur dans le conflit malien, l'ont lâché en douce.
En Afrique, la modification de la constitution est l'arme par excellence utilisée par les dirigeants pour bloquer l'alternance et prolonger leur séjour à la tête des Etats. Paul Biya (Cameroun), Idriss Deby (Tchad) Obiang Nguema (Guinée Equatoriale), notamment, en ont fait usage. Tandis que Pierre Nkurunziza (Burundi), Denis Sassou-Nguesso (Congo), Joseph Kabila (République démocratique du Congo ex-Zaïre) et Paul Kagame (Rwanda), pourraient le faire en 2015.
 
René Dassié.


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