Dans un monde de plus en plus diversifié, les expressions traditionnelles comme "Joyeux Noël" font l'objet de débats passionnés. En France, pays historiquement marqué par le christianisme, certains optent pour des formules neutres telles que "fêtes de fin d'année" ou "fêtes d'hiver". Ces choix, souvent attribués à des courants progressistes – qualifiés de "wokistes" ou d'"ultragauches" par leurs détracteurs – soulèvent une question : s'agit-il d'une tentative d'effacer les racines culturelles françaises, ou d'une adaptation nécessaire à une société plurielle ?
Noël, célébré le 25 décembre, commémore la naissance de Jésus-Christ dans la tradition chrétienne. En France, où le catholicisme a façonné l'histoire et les coutumes, "Joyeux Noël" est une salutation ancrée dans le quotidien hivernal. Pourtant, depuis plusieurs décennies, des alternatives émergent dans les discours publics, les communications institutionnelles et les médias. Par exemple, en 2021, Emmanuel Macron, alors président, a critiqué l'Union européenne pour ses directives internes suggérant d'éviter le mot "Christmas" au profit de "holiday period", le qualifiant d' "infatuation woke" qui détourne l'Europe de priorités plus urgentes.
Cette recommandation, bien que non contraignante et retirée par la suite, illustrait une tendance à la neutralité linguistique pour éviter d'exclure les non-chrétiens.
Critiques de gauche ou progressistes arguent que ces formules neutres favorisent l'inclusivité. Aux États-Unis et en Europe occidentale, "Happy Holidays" est préféré à "Merry Christmas" pour englober d'autres fêtes comme Hanoukka (juive), Kwanzaa (afro-américaine) ou simplement le Nouvel An, reconnaissant ainsi la diversité religieuse et culturelle.
En France, où la laïcité est un pilier républicain depuis la loi de 1905, cette approche s'aligne sur l'idée d'un espace public neutre, évitant de privilégier une religion. Des partisans expliquent que cela respecte ceux qui ne célèbrent pas Noël, comme les athées, les musulmans ou les juifs, en évitant d'imposer une connotation chrétienne.
En 2025, alors que Paris annule ses festivités de Noël et du Nouvel An en raison de menaces terroristes – et non pas explicitement pour des raisons idéologiques – le débat resurgit, certains y voyant un symbole plus large d'une Europe qui cède face à des pressions extérieures.
Des voix conservatrices accusent les "wokistes" d'exagérer la sensibilité, transformant une tradition joyeuse en un terrain miné de politiquement correct.
Le terme "wokisme", souvent utilisé de manière péjorative, désigne une vigilance accrue aux injustices sociales, y compris les discriminations religieuses. Ses détracteurs, comme ceux qualifiant ces groupes d'"ultragauches", arguent que l'évitement de "Joyeux Noël" relève d'une idéologie qui priorise l'inclusivité au détriment de la majorité.
En France, où environ 50 % de la population se déclare sans religion mais où Noël reste une fête familiale largement célébrée, cette approche semble disproportionnée. Elle pourrait même alimenter un sentiment de perte identitaire, comme si les Français devaient "se renier" pour ne pas offenser.Prenons un exemple récent : en 2025, une influenceuse a été moquée en ligne pour avoir appelé à "décoloniser" Noël, le présentant comme une imposition culturelle à réformer.
Cette position, bien que marginale, illustre une critique plus large : le "wokisme" applique-t-il une norme sélective ?
On ne voit pas les mêmes appels à neutraliser d'autres fêtes. Par contraste, les musulmans célèbrent ouvertement l'Aïd al-Adha (fête du sacrifice) et l'Aïd el-Fitr (fin du Ramadan), avec des salutations comme "Eid Mubarak" échangées sans controverse dans les communautés.
En France, ces fêtes sont reconnues, avec des jours fériés dans certains contextes locaux, et personne ne propose de les rebaptiser "fêtes de printemps" pour inclure tous.
Pourquoi Noël serait-il le seul à devoir s'effacer ? Cette asymétrie soulève une hypocrisie potentielle : sous prétexte d'inclusivité, on cible principalement les traditions chrétiennes, héritage majoritaire en Occident. Des observateurs notent que "Happy Holidays" sert parfois de marqueur identitaire politique plus qu'un véritable geste d'ouverture.
En réalité, la plupart des non-chrétiens ne s'offusquent pas d'un "Joyeux Noël" amical, perçu comme une coutume culturelle plutôt que prosélyte.
Pour décrypter plus avant, comparons avec les pratiques musulmanes. L'Aïd al-Adha et l'Aïd el-Fitr sont des moments de joie communautaire, marqués par des prières, des festins et des échanges de vœux. Dans les pays musulmans, ces fêtes sont centrales, et dans les diasporas françaises, elles sont célébrées sans dilution linguistique.
Les musulmans ne renoncent pas à leurs salutations traditionnelles pour accommoder les non-musulmans ; au contraire, elles renforcent l'identité collective. Pourquoi exiger des chrétiens une telle auto-censure ?Cela pointe vers un biais culturel : en France laïque, les traditions minoritaires sont souvent protégées au nom de la diversité, tandis que la majorité chrétienne est invitée à la discrétion. Des cas comme l'interdiction de crèches dans les mairies – jugée contraire à la laïcité par des tribunaux – renforcent ce sentiment.
Pourtant, la laïcité devrait être neutre, non pas anti-religieuse.
Vers un Équilibre entre Tradition et InclusionLe recours à "fêtes de fin d'année" ou "fêtes d'hiver" n'est pas intrinsèquement malveillant ; il reflète une société en mutation, où la diversité invite à la prudence linguistique.
Cependant, une critique s'impose : cette neutralité risque de vider les traditions de leur substance, créant un vide culturel plutôt qu'une harmonie. Les Français n'ont pas à se renier pour inclure ; un "Joyeux Noël" peut coexister avec des vœux pour d'autres fêtes, comme le font déjà de nombreuses personnes multiculturelles.
En fin de compte, le vrai enjeu est de préserver l'esprit festif sans idéologie partisane. Que l'on dise "Joyeux Noël" ou "Bonnes fêtes", l'essentiel est la convivialité.
Mais forcer la neutralité absolue pourrait bien être le vrai reniement – non pas de la religion, mais de l'histoire partagée.