Glyphosate : Emmanuel Macron courbe l'échine face à l'Europe

 |  par Patrick JEAN-PIERRE

La Commission européenne a décidé jeudi 16 novembre dernier, de renouveler l'autorisation du glyphosate dans l'Union européenne pour 10 ans, lors d'un vote au cours duquel la France s'est abstenue.

Petit retour en arrière. Emmanuel Macron avait plaidé pendant tout le début de son premier mandat en faveur d'une interdiction totale de ce pesticide dans le pays. Mais notre président, chantre du « en même temps »  l'amène souvent à dire, à faire des effets d'annonce, puis à agir autrement. Et ça n'a pas loupé. En 2019, il change d'avis sur la question.

La messe était dite. Et l'examen de la proposition de résolution européenne de Madame Delphine Batho (Écologiste - NUPES), devant la Commission des Affaires Européennes de l'Assemblée Nationale, le 25 octobre n'a rien changé. Elle a été rejetée. 


Et ce courage, la France ne l'a pas eu.
Jeudi, la Commission européenne a renouvelé l'autorisation du glyphosate dans l'Union européenne pour 10 ans. Mais lors de la délibération, « la France s’est de nouveau abstenue », a expliqué le ministère de l'Agriculture.  « La France n’est pas contre le principe du renouvellement de la molécule, mais veut réduire rapidement son usage et encadrer l’utilisation de la molécule, pour en limiter les impacts, et le remplacer par d’autres solutions chaque fois que c’est possible », a précisé le gouvernement dans un communiqué. Mais cela n'a pas toujours été sa position.
 

En novembre 2017, le président de la République s'était engagé pour que le glyphosate soit interdit en France « au plus tard dans trois ans », malgré un vote européen réautorisant l'herbicide.  « J'ai demandé au gouvernement de prendre les dispositions nécessaires pour que l'utilisation du glyphosate soit interdite en France dès que des alternatives auront été trouvées, et au plus tard dans 3 ans », a-t-il écrit sur Twitter à l'époque. Les 27 venaient de voter pour une nouvelle autorisation européenne pour les 5 prochaines années, la France avait voté contre.

Au sein du gouvernement, les fervents opposants au glyphosate, parmi lesquels l'ex-ministre de la Transition écologique Nicolas Hulot, ont échoué à faire inscrire la sortie du glyphosate d'ici 2021 dans le projet de loi agriculture et alimentation. Au moment de sa démission parce qu'il se sentait « tout seul à la manœuvre » sur les enjeux environnementaux, l'échec de Nicolas Hulot sur le glyphosate a été évoqué comme l'une des raisons de son départ. 

En janvier 2019, c'est Emmanuel Macron lui-même qui est revenu sur ses engagements de 2017. Il a reconnu alors que la France ne parviendrait pas à se passer « à 100% » du glyphosate dans les trois ans malgré sa promesse.  « Je sais qu'il y en a qui voudraient qu'on interdise tout du jour au lendemain. Je vous dis : un, pas faisable et ça tuerait notre agriculture. Et même en trois ans, on ne fera pas 100%, on n'y arrivera pas, je pense pas », déclarait-il depuis la Drôme.  « Il faut au maximum avoir des alternatives non chimiques en s'organisant autrement », poursuivait le chef de l'État. Selon l'Anses, le glyphosate peut être le plus souvent remplacé par des moyens mécaniques (désherbage manuel, machines dédiées…) même si cela entraîne un besoin de main d'œuvre supplémentaire.

Près d'un an après, le président a avoué un échec auprès de Brut, reconnaissant ne pas avoir tenu sa promesse de sortir du glyphosate en trois ans. « Je n'ai pas changé d'avis » mais « je n'ai pas réussi à l'accomplir, c'est un échec collectif. Pourquoi on n'a pas réussi ? (…) Quand les autres ne vont pas au même rythme que nous, ça créé de la distorsion de concurrence et on sacrifie notre agriculture pour régler le problème", disait-il. « Quand on veut lutter contre les pesticides, c'est l'Europe le bon niveau. On ne peut pas gagner la bataille tout seul si on n'a pas les autres européens. »

Le glyphosate est considéré depuis 2015 comme « cancérogène probable » par le Circ, une branche de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Une caractérisation que dément toujours le groupe Bayer, qui détient Monsanto, le producteur de cet herbicide.

Breveté par l’entreprise sous la marque « Roundup », ce produit a longtemps été l’herbicide le plus utilisé dans le monde. Il est devenu ces dernières années le pesticide le plus décrié de tous. Pourtant, un seul pays a décidé de l’interdire dans l’Union européenne, le Luxembourg.

 

10 ans de plus pour le glyphosate.

Une affaire qui nous rappelle celle de la chlordécone.
Ce pesticide a été utilisé dans les bananeraies des Antilles jusqu’en 1993 pour y lutter contre le charançon, un insecte ravageur. Il a contaminé durablement les sols et les eaux. Toxique pour les hommes, il attaque les systèmes nerveux, reproductif et hormonal, et affecte le fonctionnement de certains organes.

Une expertise de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale a en outre conclu en 2021 que ce produit était susceptible de générer des cancers de la prostate. D’après l’Anses, la présence de chlordécone a été détectée chez plus de 90 % des personnes habitant aux Antilles testées en 2013-2014.

 

 
 

 



 

 

 



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