Élus démissionnaires, le pouvoir à la rue

 |  par Rédaction Patmedias avec Guy Flandrina

Après les « injonctions » faites par le RPPRAC (Rassemblement pour la Protection des Peuples et des Ressources Afro-Caribéens) aux pouvoirs publics, la Martinique est entrée, à compter du 1er septembre 2024, dans un cycle infernal où la démocratie, le suffrage universel, ont été néantisés.

Le pouvoir s’est transposé des institutions à… la place publique !

Des personnes, non-élues, se sont autoproclamées représentantes du Peuple et les personnes mandatées par ce dernier se sont alignées sur les positions extrémistes de cette dictature de la rue.

S’il est un fait avéré qui emporte l’unanimité des suffrages en Martinique c’est bien la problématique de la cherté de la vie. Les territoires français transocéaniques en font beaucoup plus les frais que ceux du continent. Les experts s’accordent sur un différentiel des prix allant parfois au-delà de 40%.

Les événements de février 2009 avaient déjà fait la démonstration de cette insupportable pression, singulièrement sur le pouvoir d’achat des plus démunis.

Tout de même, certains points des revendications, mis en avant par le mouvement qui mène la fronde depuis le 1er septembre 2024, ne manquent pas d’interpeller, sur les plans économique et politique.

Ainsi, en tête de gondole des revendications, on trouve : « L’alignement des prix avec la France » hexagonale. Et aussi : « La continuité territoriale ».

Sous couvert de réclamations à caractère économique, ces deux revendications sont, en fait, politiquement, des doléances assimilationnistes visant à faire des ressortissants des « outremers » des « français à part entière ».

C’est tout de même paradoxal venant de manifestants qui ne ratent pas une occasion pour affirmer, notamment face aux forces de l’ordre : « Nous sommes chez nous ici, la Martinique ce n’est pas la France ».

C’est sans doute pourquoi des députés martiniquais, indépendantistes mais siégeant à l’Assemblée Nationale française, se sont rendus au commissariat de Fort-de-France, afin de s’enquérir des conditions de la garde à vue d’un fauteur de troubles. Cela, sans jamais un mot pour les forces républicaines qui ont, pour protéger la sécurité des personnes et des biens martiniquais, subi des tirs à balles réelles.

Or, il s’est trouvé un préfet, représentant donc de l’État, qui a mis autour d’une table des élus, des figures du monde économique, de la société civile et des personnes n’ayant aucune qualité pour parler au nom du Peuple, lesquels ont tout de même posé leur exigence : les « débats doivent être filmés en direct ».

Ne voulant pas céder, complètement, aux « injonctions » de celui qui se fait appeler le « R », J-C Bouvier coupe la papaye en deux, arguant que ce sont des journalistes qui filmeront une partie des entretiens et en feront le compte-rendu.

Le Préfet a été relayé dans ses bons offices par des élus martiniquais. Lesquels, avec le courage que chacun appréciera, se sont vite placés derrière le RPPRAC, pour faire corps avec les revendications de ce mouvement. Manifestant, de ce fait, leur pusillanimité et leur incapacité à se projeter afin de mettre en place, par anticipation, des dispositifs aptes à répondre aux attentes de leurs mandants. Le plus criant témoignage de cette incurie sont ces problèmes récurrents avec des soubresauts à répétition.

Chacun a pu voir dans les médias le directeur de cabinet du maire du chef-lieu parlementer avec le président du RPPRAC, afin d’obtenir son « autorisation » pour que le quartier Sainte-Thérèse soit débarrassé des détritus résultant des émeutes. Il est donc clair que la rue a pris le pouvoir et que les hordes de voyous sont aux manettes.

La seule personne à se distinguer de ce chorus, tout en émasculant nos mâles politiques, est une sénatrice qui n’a d’ailleurs pas hésité à apporter un soutien sans faille aux forces de l’ordre. Attitude aussi téméraire que responsable, face aux voyous qui ont vandalisé le mobilier urbain, incendié des entreprises -mettant au chômage des dizaines de nos compatriotes- mis à pied des vieillards sans véhicule et terrorisés des honnêtes gens du quartier Sainte-Thérèse et des alentours. Sans compter ces milliers de jeunes empêchés d’aller à l’école, pour acquérir un savoir si nécessaire, alors que l’année scolaire débute.

La veille de la rencontre à la CTM, le leader du RPPRAC, annonçait dans une vidéo : « normalement les choses se présentent bien. On est sensé ne pas avoir les forces de l’ordre tout près de nous, afin de ne pas attiser la colère. Donc ils seront à distance (…). La CTM met à disposition des tonnelles, un bar pour recevoir les militants ». Et donc, Rodrigue Petitot invite ses amis à « monter en force avec les tambours » et autres instruments car, dit-il, « nous serons à l’abri avec une collation offerte par la CTM ».

Laquelle CTM s’avère indigente pour soutenir l’action d’associations faisant œuvre utile ou contribuant au rayonnement de la Martinique (ex : Tour des Yoles 2024) et incapable d’honorer ses échéances vis-à-vis des entreprises, dans un pays où il y a déjà tant de faillites de sociétés et un tel niveau de chômage !

« Barbecue » bientôt ici

Voilà donc un repris de justice hissé au rang de notable, siégeant avec des élus et des représentants de la société civile . Le populisme n’a donc plus de limites…

Sans doute le dénommé Barbecue[1], d’Haïti, sera le bienvenu en Martinique invité par la CTM dans le cadre de la coopération régionale. Ce ne sera plus le dialogue entre Trénelle et Sainte Thérèse mais entre Trénelle et Port au Prince. A moins que, d’ici là, le pouvoir ait changé de mains…

Dominique de Villepin a écrit, fort justement : « Le pouvoir doute, le citoyen s’inquiète et l’autorité faiblit quand la rue devient le lieu d’expression de toutes les contestations. La crainte de la contagion, du dérapage, l’emporte pour paralyser toute initiative. La hantise du pourrissement et de l’irréversible amène les gouvernements à céder.

L’épreuve de force tourne presque toujours en faveur des manifestants, parce qu’ils sont le bruit, l’image, le nombre visible (…)».

La majorité silencieuse mais pas forcément complice se tait.

Pour une part, il s’agit d’une espérance de tirer profit si le mouvement aboutit.

Pour une autre partie, le silence répond en écho à cet adage populaire : « prudence est mère de sureté » et… enfante la lâcheté.

En résonnance, il y a le silence de l’écrasante majorité de la classe politique. Comment comprendre, que nos conseillers territoriaux ou nos parlementaires, majoritairement autonomistes ou indépendantistes, se soient alignés sur des positions assimilationnistes ?

En fait, le mouvement initié par la rue prend des positions qui leur convient mais qui, en regard de leur positionnement idéologique, leur est insupportable à assumer. Ils préfèrent donc s’abriter derrière le RPPRAC qui cache leur forêt de contradictions inavouées et se fondre dans le populisme ambiant. Cependant, ils encourent le risque que les électeurs en viennent à préférer les originaux plutôt que les pâles copies. Aude Goussard ne s’est-elle pas déjà présentée à l’élection législative dans le sud de la Martinique ?

Le courage de dire et faire

La réflexion des élus tourne, pour l’essentiel, autour de la suppression de l’Octroi de Mer. Proposition qui est loin de faire l’unanimité. Les maires, singulièrement des petites communes où l’assiette fiscale est à la portion congrue, ne voient pas encore ce qui pourrait suppléer ce manque à gagner. La double péréquation des frais d’approche semble davantage emporter l’adhésion du plus grand nombre. Ne serait-il pas aussi judicieux de se pencher sur le développement du secteur coopératif, singulièrement pour les filières agricoles ?

En 1958 (naissance de la première SICA de la Martinique)[2] et jusqu’à l’aube des années 2000, ce mouvement productif et solidaire favorisait une alimentation des marchés endogènes à des prix raisonnables, malgré une féroce concurrence des produits importés. Les coopératives de production aideraient à résoudre le problèmes des terres en friches, ainsi que notre dépendance alimentaire associée à un fret faisant le bonheur des transporteurs.

Autre proposition qui devrait retenir l’attention : la zone franche sociale -avancée par l’ex-député européen Max Orville- qui permettrait d’exonérer de charges sociales tous les salaires du secteur privé, sans distinction de montant de rémunération. Un plus pour les entreprises qui pourraient embaucher plus facilement dans un pays où le chômage est quasi-endémique. Mesure également profitable aux salariés dont le pouvoir d’achat s’en trouverait accru. Il est clair que cette mesure doperait l’économie par une relance de la consommation et profiterait davantage à la Martinique, si l’accent est mis sur le développement de la production locale. L’effet induit serait l’augmentation des recettes fiscales qui pourrait bénéficier au développement endogène.
Bien évidemment pour que ces propositions trouvent à s’exprimer dans le champ politique, il convient, à l’instar de Georges Clémenceau : « d'abord (de) savoir ce que l'on veut, il faut ensuite avoir le courage de le dire, il faut ensuite l'énergie de le faire ».

Si gouverner c’est prévoir, c’est aussi avoir le courage de ne pas céder au populisme, en pensant à la prochaine échéance électorale mais, d’abord, à l’intérêt général.



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