Martinique : quand un collectif anonyme dénonce

 |  par Patrick JEAN-PIERRE

"Monsieur Le Ministre de l’Éducation nationale, Monsieur Le Préfet,

Nous souhaitons vous interpeller au sujet de la situation extrêmement préoccupante dans l’éducation nationale dans les DOM et plus précisément en Martinique. En effet depuis le 16 mars, les écoles sont fermées afin de prévenir l’épidémie de coronavirus, tout comme dans l’Hexagone, ce qui nous semble être une très bonne mesure et a permis d’éviter une propagation de ce virus sur notre territoire. Celui-ci est d’ailleurs très peu touché, 178 cas à ce jour, selon les chiffres officiels, pour près de 400 000 habitants.

Le 21 avril vous avez ébauché un plan d’action de reprise progressive de l’école à partir du 11 mai en fonction du niveau de contamination dans chaque région. Or deux jours plus tard, le président de la CTM Monsieur Marie Jeanne, a affirmé en accord avec les maires et les syndicats enseignants, que les conditions sanitaires n’étaient pas réunies pour une reprise, annonçant que le secondaire resterait fermé jusqu’à la fin de l’année scolaire. Cette annonce, faite à 18 jours de la date du 11 mai, démontrait déjà qu’au niveau local rien n’était tenté pour permettre que cette reprise soit possible. Dans la foulée, le 29 avril, l’assemblée des maires a annoncé que les élus renonçaient à rouvrir les écoles le 11 mai, prétextant notamment que le délai était trop court pour préparer les locaux devant accueillir les élèves. Il est même question que dans la quasi totalité des communes de notre département les écoles ne rouvrent...qu’en septembre! Tous ces acteurs vont donc rester dans la passivité . Jusqu’à quand ? Sachant que l’épidémie ne sera pas complètement éradiquée dans les prochains mois, au moins dans l’Hexagone, pendant combien de temps nos enfants n’iront ils pas à l’école ? 6 mois ? 1 an ?

Notre situation locale épidémique n’est pas celle de la région parisienne , ni du grand est, ni d’autres régions de métropole. Réjouissons nous en! Malgré tout, nous voyons une volonté dans beaucoup de régions de l’Hexagone ayant des situations stables, d’essayer de mettre en place un plan d’action scolaire post 11 mai répondant comme il se doit face à la pandémie, à des normes d’hygiène très strictes. Nous tenons donc à vous faire part de notre totale incompréhension et notre profond désaccord devant cette décision, que la situation sanitaire sur place ne justifie pas.

Va-t-on continuer à creuser les inégalités déjà saisissantes en outre mer ? Depuis début janvier les écoles, collèges et lycées sont bloqués par les enseignants et leurs syndicats, soutenus par les mairies. Nos enfants n’ont pas eu d’école depuis la mi janvier (voire décembre pour certaines communes) dans le 1er degré, et depuis décembre également dans le secondaire. Des cadenas sont placés sur l’entrée des établissements scolaires, le personnel de mairie, les élus locaux et les enseignants entretenant le flou sur les responsables de
ces agissements afin que chacun conserve l’intégralité de son salaire sans venir travailler et participe à un blocage de l’île. Pendant 6 à 9 semaines, nous -la collectivité nationale- avons payé les enseignants et employés municipaux dans les écoles(avec les 40 % supplémentaires DOM) pendant qu’ils restaient chez eux pour la plupart. Au niveau du ministère, on a laissé la Martinique s’enferrer dans cette situation. Des enseignants consciencieux ont quand même pris la peine d’ envoyer du travail à leurs élèves mais bien trop peu... En effet pourquoi prendre cette peine puisqu’ils sont en « grève ». Certains même se sont faits rémunérer par les parents des cours de soutien scolaire… Les parents actifs ont dû se battre jour après jour pour trouver des solutions, voire emmener les enfants sur leur lieu de travail pendant des jours entiers. Par contre ce blocage s’est arrêté miraculeusement le vendredi 21 février, veille des vacances scolaires, ce qui a eu pour effet d’excéder encore plus les parents d’élèves.

Aujourd’hui, on laisse encore une fois la Martinique s’affranchir des règles de la métropole, c’est honteux. Ceci est un manque de respect pour tous les fonctionnaires et salariés du privé qui se battent depuis le début du confinement pour assurer les soins à l’hôpital, assurer l’approvisionnement et l’ouverture des supermarchés. C’est un manque de respect aux indépendants, professions libérales, métiers du tourisme, déjà fortement impactés par l’arrêt forcé de leur activité pendant le confinement qui vont tant bien que mal essayer de relancer leur activité en se démenant pour respecter les règles d’hygiène. C’est une honte pour tous les secteurs qui essaieront tant bien que mal de se remettre debout petit à petit car eux n’auront pas le choix. Si le personnel soignant avait refusé d’aller travailler au début de cette crise, de la même façon que les personnels municipaux et ceux de l’éducation nationale en Martinique le feront à partir du 11 mai, auriez vous laissé faire ?

Avec une situation sanitaire stable et des liaisons transatlantiques au plus bas avec une quatorzaine obligatoire comme actuellement, pourquoi les écoles ne seraient elles pas en mesure d’essayer de rouvrir ou au moins de mettre en place un plan d’action pour faire au mieux ? Monsieur Le Préfet ayant précisé que le déconfinement interne était la priorité. Quel silence de Paris lorsqu’il s’agit de défendre l’intérêt des jeunes martiniquais !

Nous demandons au ministère de l’éducation nationale de prendre ses responsabilités. Vous avez le devoir de tout faire pour que les élèves retournent à l’école, bien entendu dans le respect de strictes règles d’hygiène. La situation n’a que trop durée et le décrochage scolaire va encore s’accentuer au détriment des plus démunis. Nous demandons à avoir au moins le choix de remettre ou non nos enfants à l’école pour cette fin d’année scolaire, comme dans toute autre région peu impactée par la crise sanitaire.

Un certain nombre d’enseignants consciencieux s’investissent pour ne pas laisser tomber leurs élèves et souhaiteraient retourner travailler (certainement les mêmes qui ont continué à s’investir pendant les blocages en étant empêché de se rendre sur leur lieu de travail).

Nous sommes également conscients d’une pénurie d’eau sur le territoire due à la sécheresse actuelle mais avec la saison des pluies arrivant fin mai, nous savons pertinemment que cette situation ne durera pas. Avec un peu de bonne volonté, le calendrier des coupures tournantes permettrait de s’organiser afin de fermer ponctuellement les écoles sur les communes impactées.

Compte tenu de la passivité locale déjà mentionnée, tout nous laisse penser qu’il n’y aura pas de rentrée en septembre 2020 si des solutions ne commencent pas à être expérimentées entre mai et juillet avec des parents au moins volontaires pour remettre leurs enfants à l’école. L’année scolaire 2019/2020 de nos enfants martiniquais aura duré 12 à 16 semaines (selon les établissements et les communes) ! Comment leur donner les mêmes chances que les élèves de l’hexagone dans ces conditions ?

Beaucoup de parents d’élèves étant dans l’obligation d’exercer leur profession pendant le confinement ne peuvent pas être en même temps instituteurs pour leurs enfants ; qu’en sera t il après le 11 mai pour beaucoup d’entre nous ? Et pour ceux qui n’ont pas le niveau pour aider leurs enfants ? Il a été demandé beaucoup d’effort pendant cette crise sanitaire à une partie de la population et nous sommes excéder de constater que ce sont toujours les mêmes qui vont devoir redoubler d’effort après le 11 mai. Nous aimerions comprendre où est l’esprit de solidarité dont vous nous parlez depuis le début de la crise.

Nous vous saurions gré de bien vouloir prendre conscience de la situation et d’œuvrer afin de trouver des solutions pour permettre plus d’égalité et de solidarité.

Dans l’attente d’une réponse de votre part, nous vous prions d’agréer, Monsieur Le Ministre, Monsieur Le Préfet, nos salutations distinguées."

Post scriptum : Dans un soucis de confidentialité, nous insistons pour que les noms des membres de notre collectif ne soient pas dévoilés, pas plus que les communes et établissements concernés, ceci afin de nous protéger personnellement de réactions hostiles. Nous sommes sur une île et comme toute situation insulaire cela reste compliqué...



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