Dans son discours d’investiture à la tête de l’exécutif de la Collectivité territoriale de la Martinique, l’indépendantiste martiniquais Alfred Marie-Jeanne, tout en savourant sa victoire, a planté le décor, à sa manière.
« En ce jour d’investiture, je mesure tout le chemin parcouru ensemble dans notre quête de responsabilité depuis le vote de la loi d’assimilation du 19 mars 1946, où la Martinique passât du statut de Colonie à celui de Département, mais aussi, depuis le vote des lois de décentralisation du 2 mars 1982 qui érigèrent la Région en Collectivité territoriale. Je mesure également les combats des Manville, Fanon, Glissant, Césaire pour l’émancipation du peuple martiniquais. »
Alfred Marie-Jeanne est issu d'une famille modeste. Il s'engage en politique en 1971 en se présentant pour la première fois aux élections municipales à Rivière-Pilote.
En 1973, il crée, avec d'autres militants dont Garcin Malsa, le mouvement "La Parole au peuple" qu'il transforme le 1er juillet 1978 en Mouvement indépendantiste martiniquais (MIM).
En 1974, il adresse au candidat socialiste François Mitterrand un document présentant ses grandes orientations pour la Martinique. Pour Alfred Marie-Jeanne la Martinique est une nation et il revendique, entre autres, le droit à l'autodétermination, un protocole d'accession à l'indépendance et des relations fondées sur la coopération avec l'Europe. Grâce à son charisme et son franc-parler, « Chaben » comme le surnomment ses compatriotes, devient incontestablement le leader de la mouvance nationaliste en Martinique.
Maire, Député, Président de Région, le leader indépendantiste affûte ses armes en politique, avec un verbe souvent acerbe vis-à-vis de ses adversaires et des médias.
Arrive le 18 décembre 2015, la liste d'Alfred Marie-Jeanne remporte la première élection à la collectivité territoriale de Martinique et il est élu, sans surprise, président du Conseil exécutif de Martinique.
« Je mesure aussi mon indéfectible engagement, en compagnie de Claude LISE, pour déverrouiller la Constitution française et permettre ainsi la consultation des martiniquais sur la nécessaire évolution de nos institutions [...] les conditions historiques sont aujourd’hui réunies. »
Tous les chemins mènent à Rome dit le proverbe. Et Alfred Marie-Jeanne le sait bien. Pour gravir les marches, il faut faire des concessions. La liste du "Gran Sanblé Pou Ba Péyi-a An Chans" a remporté aux dernières régionales 2015, les premières élections territoriales de Martinique avec plus de 54% des suffrages devant la liste "Ensemble pour une Martinique Nouvelle" de Serge Letchimy 45,9%. La forte mobilisation enregistrée à l'occasion de ce second tour a profité à la liste d'Alfred Marie-Jeanne (Indépendantiste) qui a fusionné entre les deux tours avec celle de Yan Monplaisir (Droite).
Sur fond de défense des intérêts des martiniquais, « Chaben » est en première ligne.
« Et, Je veux vous dire ici que je suis le Président de tous les Martiniquais ! » dit il dans son allocution d’investiture. On peut comprendre, Président de la collectivité territoriale. Oui, c’est le cas. Mais A.Marie-Jeanne poursuit « Je suis le Président d’une Martinique que je souhaite réconciliée, d’une Martinique ressoudée, d’une Martinique unie pour gagner, d’une Martinique unie pour réussir ! »
La Martinique, et c’est la Constitution qui le stipule fait partie de la République Française. Son Président est donc le Président français et non le Président de l’exécutif de la CTM.
Erreur de langage ou arrière pensée politique ?
Quoiqu’il en soit, de manière récurrente, la question institutionnelle de ces régions, constitue un enjeu séculaire. Le 24 janvier 2010, les électeurs martiniquais se sont prononcés en faveur de la création d’une collectivité unique, exerçant les compétences du Conseil Général et du Conseil Régional. Fini donc la collectivité départementale. L’enjeu est donc de taille pour celui qui dirige l’exécutif de la CTM, son président. Selon les textes, « le Président du Conseil Exécutif, prépare et exécute les délibérations de l’assemblée de Martinique, ordonne les dépenses et prescrit l’exécution des recettes. Il est seul chargé de l’administration, gère les personnels de la collectivité, peut recevoir délégation pour ester en justice et pour conclure des marchés publics. »
En Corse, les nationalistes ont eux aussi accédé à la tête de la collectivité territoriale, et déjà l’île de beauté refait parler d’elle et fait ressurgir la question de ses relations statutaires avec le « Continent », avec la République.
Quid de la Martinique ?