Dans le tumulte médiatique français, où les accusations d’antisémitisme volent aussi bas que les débats politiques sont stériles, Yaël Braun-Pivet, présidente de l’Assemblée nationale, a une fois de plus sorti l’artillerie lourde. Le 22 octobre dernier, elle a fustigé sur X (anciennement Twitter) les propos tenus par le journaliste Erik Tegnér lors d’un débat sur CNews, les qualifiant de « pires clichés antisémites » et de « stéréotypes les plus crasses ».
Une réaction qui, loin de clore le débat sur la taxation des héritages – sujet initial de la séquence –, rouvre une plaie béante : l’instrumentalisation de l’antisémitisme pour faire taire toute dissidence. Et si, cette fois, c’était Braun-Pivet qui remettait le couvert, non pas pour défendre une cause juste, mais pour esquiver une critique acerbe de sa propre proposition économique ?
Rappelons les faits sans passion. Le 21 octobre, sur le plateau de 100% Politique animé par Gauthier Le Bret sur CNews, le débat porte sur la récente idée de Yaël Braun-Pivet de taxer plus lourdement les « super-héritages » pour contrer les inégalités sociales.
Une mesure qui, si elle vise à promouvoir la mobilité sociale, heurte de front les conservateurs attachés à la transmission patrimoniale comme pilier de la natalité et de l’enracinement familial. Erik Tegnér, fondateur du média Frontières et chroniqueur connu pour ses positions souverainistes, intervient pour critiquer cette vision. Il décrit Emmanuel Macron – et par extension Braun-Pivet comme sa « finition » – comme le produit d’un « mariage » entre Alain Minc (« l’argent-roi ») et Jacques Attali (« l’homme nomade »), des élites cosmopolites déconnectées des Français « enracinés sur des territoires depuis des siècles ».
Des mots forts, assurément. Une rhétorique qui puise dans l’imaginaire critique de l’oligarchie macroniste, souvent accusée de mépriser les « provinciaux » au profit d’un monde globalisé. Mais de là à y voir un « défilé de clichés antisémites » ? Tegnér lui-même s’est défendu avec vigueur le lendemain sur CNews : « C’est une image parce que j’ai lu leurs livres, je m’appuie sur des faits. À aucun moment il n’y a d’allusion antisémite. J’ai pris cette image parce que [Braun-Pivet] venait de faire la proposition de surtaxer encore plus les droits de succession. »
Et d’ajouter dans une autre émission : « Jamais je n’aurais imaginé être accusé d’antisémitisme pour des propos basés sur des livres. »
Loin d’être isolée, la défense de Tegnér émane de voix inattendues. Des personnalités juives, comme l’entrepreneur Samuel Athlan, affirment qu’« Erik Tegnér n’a rien d’antisémite ».
Le reporter Pierre Rehov qualifie l’accusation de « lamentable », tandis que Simon Moos, fondateur du média IN+, souligne que Tegnér n’a montré « que de l’amitié à l’égard des Juifs » ces deux dernières années.
Sur X, le compte i24NEWS rapporte même Tegnér déclarant : « J’ai toujours défendu Yaël Braun-Pivet, notamment quand Mélenchon tenait de vraies allusions antisémites contre elle. »
Éric Zemmour, jamais en reste, va plus loin : « Yaël Braun-Pivet essaie de détourner l’attention contre l’antisémitisme imaginaire d’Erik Tegnér, pour faire oublier l’antisémitisme bien réel de LFI et des islamistes. »
Une charge qui pointe du doigt une hypocrisie : alors que l’antisémitisme explose en France – avec 23 plaintes déposées par Braun-Pivet elle-même depuis 2023 pour des menaces explicites renvoyant à son judaïsme –, pourquoi focaliser sur une critique politique qui, au pire, frôle l’imprécation élitiste sans cibler une ethnie ?
Des internautes, comme Nathalie Delalande, ne mâchent pas leurs mots : « Il n’y a absolument rien d’antisémite dans les propos d’Érik Tegnér ! Vous [Braun-Pivet] faites énormément de tort aux juifs de France. »
Ou encore : « Yaël Braun-Pivet se pose en victime et crie à l’antisémitisme quand Erik Tegnér ne fait que souligner son immense incompétence ! »
Ces réactions, amplifiées sur les réseaux, illustrent une lassitude face à ce qui ressemble à une « victimisation » instrumentalisée, comme le déplore un autre utilisateur : « Jouer la carte de la victimisation Judeophobe […] est lamentable. Mais nul n’est dupe de la manipulation éhontée. »
En saisissant l’Arcom via SOS Racisme – une démarche légitime si les faits étaient avérés –, Braun-Pivet et ses soutiens contribuent à un phénomène préoccupant : la banalisation de l’accusation d’antisémitisme pour disqualifier l’adversaire.
Comme le note Boulevard Voltaire, cette « méprise récurrente, parfois même volontaire », dilue la gravité du vrai antisémitisme, celui qui, depuis l’attaque du 7 octobre 2023, gangrène les rues et les universités françaises sans susciter la même indignation unanime.
Un observateur sur X résume : « L’antisémitisme est un poison lent qui a explosé depuis 2 ans […] c’est cela que vous devriez dénoncer ouvertement et sans retenues ! »
Au final, cette affaire Tegnér-Braun-Pivet n’est pas seulement une querelle de mots : elle révèle les fractures d’une France divisée, où critiquer le « macronisme nomade » devient un crime contre l’humanité si l’on y voit une ombre juive. Erik Tegnér, imparfait comme tout polémiste, mérite un débat sur le fond – la taxation des héritages et la défense de la natalité – plutôt qu’une lapidation médiatique. Quant à Yaël Braun-Pivet, sa charge, si elle vise à la protéger, risque fort de l’isoler davantage. L’antisémitisme réel n’en sortira que plus fort, masqué par ces faux-semblants.
Pour un débat serein, citons Henri Gauthier : « L’antisémitisme est un sujet grave […] cela ne doit pas servir d’échappatoire politique. »