Ce vendredi 24 octobre 2025, à 15 heures précises, l'hémicycle de l'Assemblée nationale s'embrase pour l'examen en séance publique de la partie "recettes" du projet de loi de finances (PLF) pour 2026. Déposé le 14 octobre par le gouvernement Lecornu, ce budget arrive dans un contexte de fragilité politique extrême : rejeté en commission des finances par 37 voix contre 11, il incarne les divisions d'une majorité relative évanouie et d'une opposition démultipliée. Sébastien Lecornu, ministre de l'Économie, appelle au "compromis", mais les menaces de censure du Parti socialiste (PS) planent déjà comme une épée de Damoclès. Derrière les chiffres – un objectif de 5 milliards d'euros de gains fiscaux via la suppression de niches obsolètes –, se profile un combat idéologique sur la justice fiscale, l'équité sociale et la survie du gouvernement. Décryptons les enjeux, les pièges et les hypocrisies d'un débat qui pourrait bien faire basculer la Ve République dans le chaos budgétaire.
La partie recettes, pilier du PLF, vise à renflouer les caisses de l'État sans trop froisser les puissants. Mais les 1 839 amendements déposés en commission révèlent un texte saucissonné, où chaque mesure est une pomme de discorde. Voici les huit points les plus explosifs, scrutés à la loupe pour leurs implications sociales et politiques.
La taxe Zucman : Mirage de la gauche unie ?
Inspirée de l'économiste Gabriel Zucman, cette surtaxe de 2 % sur les patrimoines supérieurs à 100 millions d'euros toucherait 1 800 ultra-riches pour un rendement espéré de 15 milliards. Adoptée en commission par une coalition gauche (LFI, PS, Écologistes), elle symbolise l'aspiration à une fiscalité "juste". Critique : Un vœu pieux ? Le RN et les macronistes la torpillent, arguant qu'elle frappe les biens professionnels et risque l'exil fiscal. En réalité, c'est un test pour l'union de la gauche : si elle saute en hémicycle, adieu la cohésion NFP
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Taxation des holdings : Un pansement sur une hémorragie ?
Le gouvernement cible les holdings détenant plus de 5 millions d'euros d'actifs financiers, pour 1 milliard de recettes via 10 000 contribuables. Objectif : colmater les fuites fiscales. Critique : Même les alliés du pouvoir la jugent cosmétique – trop de failles pour contourner, rendement incertain. Les socialistes la balaient comme "insuffisante", révélant un gouvernement frileux face aux élites.
Impôts sur la fortune : Retour fantasmé de l'ISF ?
De l'"ISF climatique" (gauche) à l'"impôt sur la fortune financière" (RN, excluant les pros), en passant par un ISF "sur les milliardaires", les propositions foisonnent. Critique : Une foire d'empoigne sans vainqueur probable. Le PS y voit une majorité possible, mais les divisions idéologiques (RN protège-t-il les "ultrariches" ?) transforment ce dossier en ring de boxe populiste.
Gel du barème de l'IR : Hausse déguisée pour les classes moyennes ?
Pas de revalorisation des tranches malgré l'inflation : 200 000 nouveaux assujettis et hausses pour des millions de ménages. La commission a épargné la première tranche. Critique : Les Républicains (LR) hurlent au scandale fiscal, et à juste titre : c'est une ponction silencieuse sur les "serrés" pour financer les niches des riches. Un symbole d'injustice criante.
Niche des retraités : Coup de rabot sur les aînés modestes ?
L'abattement de 10 % sur les pensions cède la place à un forfait de 2 000 euros, allégeant pour les petits mais alourdissant pour les autres (coût : 1,2 milliard si supprimé). Critique : Supprimée en commission, cette mesure trahit l'hypocrisie macroniste : protéger les seniors ? Plutôt les taxer pour boucler les comptes. Les amendements pour l'exclure des modestes masquent un débat sur l'équité intergénérationnelle.
Droits de timbre : Taxe sur la justice et l'immigration ?
Hausses sur les demandes de nationalité, séjours et saisines judiciaires. Critique : Un front anti-gauche (RN, LR, macronistes) en commission accuse le gouvernement de copier le RN. Résultat : une fiscalité punitive qui heurte l'accès au droit, renforçant les clivages xénophobes.
Suppression de 23 niches fiscales : Chirurgie ou saignée sociale ?
Parmi 474 niches, 23 obsolètes sautent pour 5 milliards, dont l'exonération des indemnités ALD (maladies chroniques, 26 % de la population d'ici 2035). Critique : Louable sur le papier, mais la réforme ALD ignore l'explosion des coûts de santé (3/4 à charge de l'Assurance maladie). C'est du court-termisme : éradiquer les niches pour engraisser les déficits ailleurs ?
Fin des avantages sur les biocarburants : Écologie ou sabotage agricole ?
Suppression des crédits pour le B100 et E85, repoussée en commission. Critique : Le gouvernement flirte avec un compromis, mais l'opposition agricole (120 000 exploitants) crie au scandale : risque de retour aux fossiles, au nom d'une transition verte mal ficelée. Priorité à Bruxelles ou aux champs ?
Ces points, loin d'être techniques, cristallisent les fractures : un gouvernement minoritaire mendiant des compromis, une gauche divisée (rupture LFI-PS sur les retraites), un RN pivot "néolibéral" malgré ses discours, et des LR vindicatifs au Sénat.
Les délais constitutionnels (70 jours pour le PLF, 50 pour le PLFSS) serrent la gorge des députés : le vote solennel est calé au 4 novembre, mais un blocage pourrait forcer des ordonnances ou une "loi spéciale", comme en 2025 post-censure Barnier. Lecornu jure de ne pas 49.3, mais le vote bloqué (art. 44) guette. Le PS, par Boris Vallaud, brandit la motion de censure si la "justice fiscale" (Zucman ou ISF) n'avance pas – un chantage tactique après avoir épargné le gouvernement le 16 octobre. À droite, Gérard Larcher tonne contre un bicamérisme bafoué, menaçant "toutes les armes". Critique : Cette "préparation record" vantée par le PS cache un Parlement paralysé par l'absence de majorité. Résultat ? Un budget dilué, injuste, où les oppositions posent pour les médias sans gouverner.Sur X, le buzz est frileux : partages de directs (franceinfo, RMC) et appels au compromis, mais peu de rage populaire – signe que le grand public perçoit déjà ce théâtre comme un remake usé.
Critiquement, ce PLF 2026 n'est pas qu'un exercice arithmétique : c'est le révélateur d'une crise institutionnelle. Lecornu, avec ses six ministres LR suspendus, navigue à vue dans un "bloc central" fantôme. La gauche, géométrie variable, rate l'occasion d'une offensive unie ; le RN, accusé de défendre les milliardaires, se pose en fossoyeur fiscal. Au final, un texte tiède risque d'émerger : hausses discrètes sur les moyennes classes, niches intouchables pour les riches, et dettes reportées. Perspective : Sans censure, ce budget "zombie" entérinera l'impuissance macroniste ; avec, une dissolution hâtive pourrait rebattre les cartes. Pour les Français, l'enjeu est clair : un État qui taxe les faibles pour excuser les forts, dans un pays où l'inflation ronge déjà les fins de mois. Espérons que l'hémicycle, ce vendredi, produise plus qu'un spectacle – un sursaut de justice.