Depuis plusieurs années, le scandale des airbags Takata continue de secouer l’industrie automobile mondiale, et la France n’échappe pas à cette crise. Ces airbags, fabriqués par l’équipementier japonais aujourd’hui en faillite, présentent un défaut majeur : leur gonfleur, contenant du nitrate d’ammonium, peut se dégrader sous l’effet de la chaleur et de l’humidité, entraînant un risque d’explosion lors du déploiement. Cette défaillance a déjà causé des blessures graves, voire mortelles, avec 18 décès recensés en France, dont deux en métropole, et 25 blessés, principalement dans les départements et régions d’outre-mer (DROM) où les conditions climatiques accélèrent la dégradation des airbags. Malgré un arrêté ministériel récent imposant des obligations strictes aux constructeurs, les propriétaires de véhicules des marques Citroën, DS, Opel et Chevrolet se retrouvent confrontés à des délais de réparation interminables et à une absence criante de véhicules de prêt, suscitant frustration et inquiétude.
En France, environ 2,5 millions de véhicules, dont 1,7 million sous mesure de « stop drive » (interdiction de conduire), sont concernés par les rappels liés aux airbags Takata. Parmi les marques impliquées, Citroën, DS, Opel et Chevrolet, bien que faisant partie de grands groupes comme Stellantis ou General Motors, semblent peiner à gérer cette crise. L’arrêté ministériel du 29 juillet 2025, publié par le ministère des Transports, impose pourtant des mesures claires : les constructeurs doivent organiser le remplacement des airbags défectueux dans des délais raisonnables et fournir des solutions de mobilité, telles que des véhicules de prêt ou des alternatives de transport, pour les propriétaires dont les véhicules sont immobilisés plus de 15 jours sous « stop drive ». Cependant, la réalité sur le terrain est bien différente.De nombreux automobilistes rapportent des délais de rendez-vous s’étendant sur plusieurs semaines, voire plusieurs mois, pour le remplacement des airbags. Par exemple, Élisabeth, propriétaire d’une Citroën C3 à Montpellier, témoigne de son expérience : après avoir reçu un courrier de rappel en février 2025, elle a contacté son concessionnaire, qui lui a indiqué une rupture de stock de pièces détachées et aucune date précise pour la réparation. « On me demande de ne plus conduire ma voiture, mais on ne me propose rien pour me déplacer. C’est inacceptable ! », s’indigne-t-elle. Des situations similaires sont rapportées par des propriétaires de DS3, d’Opel Astra ou de Chevrolet Cruze, qui se retrouvent dans une impasse.
L’arrêté ministériel stipule explicitement que les constructeurs doivent fournir des solutions de mobilité, telles que des véhicules de courtoisie ou la prise en charge de locations, pour pallier l’immobilisation des voitures sous « stop drive ». Pourtant, de nombreux clients se heurtent à un mur. Jacqueline, propriétaire d’une Chevrolet Cruze de 2011 dans le Cantal, explique qu’aucun garage agréé n’est disponible dans son département, l’obligeant à envisager un déplacement de plus de 100 km pour faire réparer son véhicule. « Opel, qui est censé prendre en charge les Chevrolet depuis le retrait de la marque en France, m’a dit qu’ils n’avaient pas de voiture de prêt à me proposer. Je suis coincée », déplore-t-elle.Cette situation est particulièrement problématique pour les propriétaires de Chevrolet, marque qui a quitté le marché européen en 2015. Les concessions Opel, qui assurent désormais l’entretien de ces véhicules, semblent dépassées par l’ampleur des rappels. Stellantis, qui regroupe Citroën, DS et Opel, a mis en place une plateforme en ligne pour vérifier si un véhicule est concerné via son numéro VIN, mais les retards logistiques et le manque de pièces disponibles compliquent la prise en charge rapide des clients.
L’UFC-Que Choisir, qui suit de près l’affaire Takata, a dénoncé à plusieurs reprises la « gestion chaotique » des rappels par les constructeurs. L’association a déposé des plaintes contre Stellantis et d’autres groupes automobiles, pointant du doigt l’absence d’anticipation et les lenteurs dans la mise en œuvre des réparations. « Il aura fallu des accidents mortels et des mises en demeure pour que les choses bougent, mais les constructeurs continuent de faire traîner », regrette un porte-parole. L’arrêté du 29 juillet 2025 prévoit des sanctions financières pouvant atteindre 100 000 € par jour de retard pour les constructeurs ne respectant pas leurs obligations, mais ces mesures semblent encore insuffisantes pour accélérer le processus.Le cas de Citroën et DS est particulièrement préoccupant. Depuis juin 2025, suite à un accident mortel à Reims impliquant une Citroën C3, le ministère des Transports a ordonné l’immobilisation immédiate de toutes les C3 et DS3 équipées d’airbags Takata, soit environ 236 900 véhicules en France. Cependant, les concessionnaires, souvent en rupture de stock d’airbags de rechange, peinent à répondre à la demande. « Les ateliers sont débordés, et les pièces n’arrivent pas assez vite », confie un garagiste d’une concession Citroën dans le sud de la France.
Face à ces lenteurs, les automobilistes se retrouvent dans une situation kafkaïenne : d’un côté, ils sont sommés de ne plus conduire leur véhicule pour des raisons de sécurité ; de l’autre, ils n’ont ni accès à une réparation rapide ni à une solution de mobilité viable. Cette situation est d’autant plus critique dans les zones rurales ou les DROM, où les alternatives de transport sont limitées. « Je ne peux pas me permettre de louer une voiture à mes frais, et mon assurance ne couvre pas ce cas de figure », explique un propriétaire d’Opel Mokka en Guadeloupe.Le ministère des Transports, conscient de l’ampleur du problème, a annoncé un suivi renforcé via des rapports hebdomadaires exigés des constructeurs et promet de nouvelles mesures si nécessaire. En attendant, les automobilistes sont invités à vérifier si leur véhicule est concerné en saisissant leur numéro VIN sur les sites officiels des constructeurs (par exemple, www.citroen.fr pour Citroën et DS, www.opel.fr pour Opel, ou www.mopar.com pour Chevrolet). Les autorités rappellent que le remplacement des airbags est gratuit et rapide une fois les pièces disponibles, mais cela ne suffit pas à apaiser la colère des clients lésés.
Le scandale Takata, qui dure depuis plus d’une décennie, met en lumière les failles de la coordination entre constructeurs, fournisseurs et autorités. Si l’arrêté ministériel de juillet 2025 marque une volonté de durcir le ton, son application reste entravée par des problèmes logistiques et un manque de moyens chez certains constructeurs. Pour les automobilistes, l’attente est synonyme d’insécurité et de désorganisation quotidienne. Alors que le ministère des Transports a fixé un ultimatum pour le remplacement de tous les airbags à risque d’ici fin 2026, la question demeure : les constructeurs seront-ils en mesure de respecter leurs engagements ? En attendant, les propriétaires de Citroën, DS, Opel et Chevrolet continuent de naviguer dans un flou frustrant, entre risques pour leur sécurité et absence de solutions concrètes.