Au Myanmar, la tragédie oubliée

 |  par Rédaction Patmedias.fr avec Patrick Chesneau
Photos: Khaosod English

Au cœur de l’Asie du Sud-Est, le Myanmar, autrefois connu sous le nom de Birmanie, s’enfonce dans une crise humanitaire et politique d’une ampleur dévastatrice, largement ignorée par le reste du monde.

Ce pays, riche de sa culture millénaire et de ses paysages luxuriants, est aujourd’hui le théâtre d’une tragédie oubliée, marquée par un conflit civil brutal, des catastrophes naturelles et une indifférence internationale qui pèse lourd sur son peuple.

Un pays fracturé par la guerre civile

Depuis le coup d’État militaire de février 2021, qui a renversé le gouvernement démocratiquement élu d’Aung San Suu Kyi, le Myanmar est plongé dans une guerre civile d’une violence inouïe. La junte militaire, dirigée par le général Min Aung Hlaing, a répondu aux manifestations pacifiques par une répression sanglante, tuant des milliers de civils et emprisonnant plus de 20 000 personnes, y compris des figures politiques comme Suu Kyi, aujourd’hui sous une forme d’assignation à résidence dans un lieu tenu secret.  La junte militaire qui a pris le pouvoir par un coup d'état il y a trois ans à Yangon, la plus grande ville de Birmanie, n'a de cesse d'assassiner son propre peuple.

Min Aung Hlaing, le chef des généraux corrompus, est un criminel patenté. Son régime sanguinaire est armé massivement par la Russie et la Chine. Tatmadaw, l'armée du Myanmar, mène une guerre féroce contre les forces démocratiques de la résistance. 

Les forces de résistance, composées de milices populaires comme les Forces de Défense du Peuple (PDF) et d’organisations armées ethniques, contrôlent désormais environ 42 % du territoire, tandis que la junte ne tient plus que 21 % du pays. Cette fragmentation du pouvoir a transformé le Myanmar en un champ de bataille où les frappes aériennes de l’armée ciblent sans distinction civils, écoles et hôpitaux, exacerbant une crise humanitaire déjà critique. Plus de trois millions de personnes sont déplacées, et 18,6 millions, soit un tiers de la population, ont besoin d’une aide humanitaire urgente.

Les soldats ont une pratique éprouvée : ils incendient méthodiquement les récoltes pour affamer et rasent des villages entiers. Un carnage à ciel ouvert. Pas de chiffres irréfutables aisémen disponibles mais le décompte des victimes établi par les différentes guérillas fait état d'au moins 30.000 morts depuis le putsch sanglant. Les civils fuient à travers la jungle. Tentent de se réfugier en Thaïlande.

Une catastrophe naturelle aggravant la souffrance

Le 28 mars 2025, deux puissants séismes de magnitudes 7,7 et 6,4 ont frappé les régions de Mandalay et Sagaing, faisant plus de 2 800 morts et 4 600 blessés. Des villes entières, y compris des sites culturels emblématiques, ont été réduites à l’état de ruines. À Sagaing, la communauté musulmane a été particulièrement touchée : environ 500 fidèles ont péri dans l’effondrement de mosquées lors des prières du vendredi à la fin du Ramadan. Les routes endommagées, les ponts effondrés et les communications instables, combinés à l’insécurité due au conflit, entravent les opérations de secours. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a signalé que trois hôpitaux ont été détruits et 22 autres partiellement endommagés, rendant la prise en charge des blessés quasi impossible.

Cette catastrophe naturelle s’ajoute à une crise humanitaire préexistante. Avant les séismes, 15,2 millions de personnes souffraient d’insécurité alimentaire, et des millions d’autres risquaient la famine. La junte, historiquement connue pour bloquer ou détourner l’aide humanitaire, a lancé un appel à l’aide internationale, un signe de la gravité de la situation. Cependant, son passé, marqué par l’accaparement des ressources lors du cyclone Nargis en 2008 ou de la pandémie de Covid-19, suscite une méfiance généralisée.

Snapshot 319

Les Rohingyas et les minorités : une souffrance persistante

Le Myanmar est également le théâtre de discriminations systématiques contre ses minorités ethniques, en particulier les Rohingyas. Depuis la campagne de nettoyage ethnique de 2017, qualifiée de génocide par les Nations unies, des centaines de milliers de Rohingyas ont fui vers le Bangladesh, où ils vivent dans des camps surpeuplés, privés d’une aide suffisante en raison de coupes dans les financements internationaux. À Sittwe, dans l’État de Rakhine, un blocus imposé par la junte a aggravé la famine, poussant au moins 14 personnes au suicide depuis mai 2025.

Les autres groupes ethniques, comme les Karen, les Kachin et les Shan, subissent également des exactions. Les organisations armées ethniques, en lutte pour l’autonomie depuis des décennies, ont intensifié leurs offensives, profitant des faiblesses de la junte. Cette dynamique a redessiné la carte du pouvoir au Myanmar, mais à un coût humain exorbitant.

Qui se soucie du drame du peuple birman ?

C'est simple. Tout le monde s'en fout. En France, en Europe, en Occident, le désintérêt est patent. A peu près personne ne dénonce les atrocités perpétrées par un régime de tueurs galonnés.
Aucun intellectuel ne considère véritablement cette cause. Aucun appel à manifester à Paris, et dans les capitales de l’Ouest pour dénoncer les exactions de la junte de Naypyidaw la capitale bunkérisée. Pas de banderoles, pas de calicots. Pas non plus d’écrits et de slogans intimant à Moscou et à Pékin l'injonction de ne plus se ranger aux côtés des bourreaux en uniforme. Les universitaires, les écrivains, les militants politiques et syndicaux, les journalistes, les artistes...vaquent à leurs occupations.
Prière de ne pas déranger pour une cause si lointaine.

Une indifférence internationale qui fait mal. Le conflit au Myanmar reste largement sous-médiatisé, souvent qualifié de « guerre oubliée ». Alors que l’attention mondiale se focalise sur d’autres crises, comme celles en Ukraine ou à Gaza, les appels à l’aide du Myanmar passent inaperçus. L’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) peine à trouver une réponse unifiée, tiraillée entre ses principes de non-ingérence et les pressions internationales. L’inaction de la communauté internationale, combinée à l’absence de sanctions efficaces contre la junte, laisse le peuple birman livré à lui-même.

L’Asie du sud-est, pourtant tellement prisée des voyageurs et des vacanciers. Sans doute, dans les drames qui ensanglantent la planète, y-a-t-il les bons et les mauvais suppliciés.

Et à l'index des tortionnaires, Min Aung Hlaing n'a pas, semble-t-il, la même morbide notoriété que les grands potentats familiers de la chronique de l’horreur contemporaine. Au chapitre des catastrophes humaines, il y a l'Ukraine. Il y a Gaza. Sachez qu'il y a aussi le Myanmar. A la vérité, les pays limitrophes, membres de l’ASEAN, la communauté régionale, eux-aussi détournent pudiquement le regard ou condamnent avec l’énergie d’un paraplégique. 

Des voix s’élèvent pourtant pour briser ce silence. Des journalistes locaux et des organisations comme Myanmar Now continuent de documenter les atrocités, malgré la répression féroce de la junte, qui a arrêté 98 journalistes depuis 2021. Des rapports récents de l’ONU dénoncent des tortures systématiques dans les prisons militaires, y compris sur des enfants, et des attaques aériennes contre des civils.

Un bombardement aérien sur un village Karen a fait 32 morts. C'était il y a deux jours. Mais ces faits sanglants sont quasi quotidiens.

Le peuple du Myanmar crève dans l'indifférence générale. Comme l’a souligné Benedict Rogers, militant des droits humains, « les habitants du Myanmar méritent mieux ».

 

 


Vos commentaires

L'examen du budget 2026 à l'Assemblée, un bras de fer fiscal sous haute tension
Politique

L'examen du budget 2026 à l'Assemblée, un bras de fer fiscal sous haute tension

Ce vendredi 24 octobre 2025, à 15 heures précises, l'hémicycle de l'Assemblée nationale s'embrase pour l'examen en séance publique de la partie "recettes" du p…
Le leasing social : une transition électrique inégale, l'Outre-mer laissé sur le carreau
Économie

Le leasing social : une transition électrique inégale, l'Outre-mer laissé sur le carreau

Dans un pays qui se targue d'être à la pointe de la transition écologique, le leasing social pour voitures électriques sonne comme une promesse alléchante : lo…
Affaire Lola : la perpétuité incompressible, une peine d'exception qui marque l'histoire judiciaire française
Société

Affaire Lola : la perpétuité incompressible, une peine d'exception qui marque l'histoire judiciaire française

Trois ans après le meurtre atroce de Lola Daviet, une fillette de 12 ans violée, torturée et assassinée dans le nord-est de la capitale, la justice a rendu son…
L'Allemagne suspend le regroupement familial pour les étrangers sous protection subsidiaire
Europe

L'Allemagne suspend le regroupement familial pour les étrangers sous protection subsidiaire

Alors que certains pays européens avancent pour contrer l'immigration massive, en France nos parlementaires brillent par leur manque de courage pour légiférer…
Pourquoi 500.000 armes illégales sont-elles en circulation en Haïti malgré l’embargo décrété par l’ONU ?
Monde

Pourquoi 500.000 armes illégales sont-elles en circulation en Haïti malgré l’embargo décrété par l’ONU ?

On estime que jusqu'à 500.000 armes illégales, allant des armes de poing aux fusils semi-automatiques de guerre, sont entre les mains de gangs en Haïti, alors…
Près de 316 millions de personnes ont consommé des drogues en 2023
Santé-Environnement

Près de 316 millions de personnes ont consommé des drogues en 2023

Dans un contexte d’instabilité mondiale croissante, le pouvoir des groupes criminels organisés s’est accru et la consommation de drogues atteint désormais des…
Le bambou : révolution philosophique, poétique et musicale
Culture

Le bambou : révolution philosophique, poétique et musicale

Et si la clé pour réenchanter le monde était secrètement gardé dans cette plante que certains surnomment l’herbe miraculeuse ? Vous ne le savez peut-être pas…
Équipe olympique des réfugiés : un flambeau « d’espoir et de paix »
Sports

Équipe olympique des réfugiés : un flambeau « d’espoir et de paix »

37 athlètes réfugiés ont participé aux Jeux olympiques de Paris 2024. Il s’agit de la plus grande équipe depuis la création des équipes de réfugiés du Comité i…
Votre rubrique "Le web a un incroyable talent " est de retour
People

Votre rubrique "Le web a un incroyable talent " est de retour

Vous nous l'avez réclamé . Il est de retour.  Bienvenue dans "Le web a un incroyable talent", une rubrique dynamique et captivante qui célèbre les talent…

Veuillez activer le javascript sur cette page pour pouvoir valider le formulaire



©2021 Patmédias, tous droits réservés - Réalisation agence web corse

Haut de page