Dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale, le 30 octobre 2025, un séisme politique a ébranlé les travées. À une voix près – 185 contre 184 –, une résolution du Rassemblement national (RN), soutenue par Les Républicains (LR) et Horizons, appelle à la dénonciation pure et simple de l'accord franco-algérien de 1968.
Ce texte bilatéral, signé sous de Gaulle et Bouteflika, régit la circulation, le séjour et l'emploi des ressortissants algériens en France, octroyant un statut dérogatoire qui prime sur le droit commun des étrangers.
Pour la première fois, un texte du RN est adopté par les députés. Un moment historique, clamé Marine Le Pen comme une victoire pour la souveraineté française. Et pourtant, que nenni ! L'exécutif, fidèle à ses habitudes monarchiques, balaie d'un revers de manche ce vote démocratique. "La politique étrangère de la France n'est pas faite par des résolutions au Parlement", assène froidement le Premier ministre Sébastien Lecornu, tout en concédant mollement une "renégociation" future.
Taisez-vous, Messieurs les Députés ! Votre rôle, si chèrement reconquis après des années de Vème République hypertrophée, n'est qu'un pis-aller, un décor pour une pièce où l'Élysée tire toutes les ficelles.
Rappelons les faits, pour que l'indignation ne soit pas gratuite. L'accord de 1968, né dans le sillage des Accords d'Évian et des Trente Glorieuses, visait à réguler l'immigration algérienne tout en comblant les besoins en main-d'œuvre de la France post-coloniale.
Il accorde aux Algériens des certificats de résidence de dix ans, facilite le regroupement familial et permet un accès privilégié à l'emploi, sans passer par les visas ordinaires. Un régime "exorbitant du commun", comme le soulignent des rapports parlementaires récents, qui coûte cher à la France : environ 2 milliards d'euros par an en aides sociales et soins, sans réelle réciprocité d'Alger en matière de réadmissions ou de coopération sécuritaire.
Aujourd'hui, dans un contexte de tensions migratoires et diplomatiques exacerbées, cet accord apparaît comme un vestige anachronique, un boulet diplomatique que le RN et ses alliés veulent rompre. Le vote du 30 octobre n'est pas qu'un caprice d'extrême droite : il reflète un consensus croissant au Parlement sur la nécessité d'un rapport de force avec Alger, qui refuse obstinément de renvoyer ses nationaux en situation irrégulière. Mais voilà que Lecornu, ce chantre autoproclamé de la "démocratie parlementaire", enterre le scrutin sous une avalanche de considérations présidentielles. N'avait-il pas juré, lors de sa nomination comme Premier ministre en octobre 2025, de "réhabiliter le rôle de l'Assemblée" et de "prendre en compte ses avis" dans une France post-dissolution, où Macron s'était dit prêt à "s'en remettre à la démocratie parlementaire" pour sortir de la crise ?
Des promesses en l'air, envolées comme les fumées d'un couscous diplomatique. Le 5 novembre, interrogé par Marine Le Pen lors des questions au gouvernement, Lecornu réitère : une renégociation "globale et respectueuse" des accords de 1968, "au plus vite", mais toujours dans le cadre d'une relation bilatérale "sereine" avec Alger.
Respectueuse ? De qui ? Des intérêts français, ou de ceux du régime tebbounien, qui joue sur la mémoire coloniale pour exiger des milliards en réparations tout en bloquant les expulsions ? On est loin du "rapport de force" évoqué par Lecornu lui-même en janvier 2025, après l'arrestation de l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal.
Et Macron dans tout ça ? Le Roi Soleil de l'Élysée, garant des traités selon la Constitution, se drape d'un silence assourdissant. Son dernier message à Tebboune, daté du 1er novembre 2025 à l'occasion du 71e anniversaire de la Toussaint rouge, déborde de flagornerie : salutations aux "efforts de l'Algérie pour son développement dans la paix", vœux de "prospérité" et appel à renforcer les liens "dans un esprit de confiance et de respect mutuel".
Confiance ? Respect ? Après des mois de crise – réduction des visas français en 2024, soutien de Paris au plan marocain sur le Sahara occidental, gel de la coopération sécuritaire –, Macron et Tebboune avaient bien tenté un rabibochage téléphonique en mars-avril 2025, promettant une "relation sereine et équilibrée".
Résultat ? Une "reprise de la coopération migratoire" qui patine, des laissez-passer consulaires toujours aussi rares, et un Élysée qui mendie un "geste de clémence" pour Sansal sans oser aborder les privilèges de 1968.
Le roi est nu, Messieurs ! Face à Tebboune, réélu en septembre 2024 sur un programme anti-français, Macron troque la fermeté pour des courbettes. Pas de dénonciation des accords, pas de gel des aides, juste des sourires forcés au G20 de Johannesburg, où un tête-à-tête est envisagé en catimini.
Cette affaire des accords de 1968 n'est pas qu'une querelle technique sur l'immigration. C'est le révélateur d'une Ve République à bout de souffle, où le Parlement, censé représenter la nation, est relégué au rang de figurant. Lecornu prône une renégociation "au plus vite", mais qui y croit encore ?
Tant que Macron snobe l'Assemblée – comme il l'a fait en ignorant les appels de Retailleau ou Bayrou à abroger l'accord dès mars 2025 –, la France reste otage d'un bilatéralisme à sens unique.
Alger dicte ses conditions, Paris paie la note.