Ainsi va la République française : un jour, elle promet l'égalité réelle pour ses territoires ultramarins ; le lendemain, elle sort la hache budgétaire sans trembler.
L'article 7 du Projet de Loi de Finances (PLF) pour 2026, déposé en octobre dernier, visait à "réformer" – euphémisme pour sabrer – les aides fiscales à l'investissement productif en Outre-mer, via une baisse massive des taux de réduction d'impôt et de crédit d'impôt, couplée à un plafonnement des dépenses.
Ajoutez à cela le projet gouvernemental de révision de la LODEOM (Loi d'Orientation pour le Développement Économique des Outre-mer), qui prévoyait une coupe de 350 millions d'euros sur les exonérations de charges sociales patronales.
Une double attaque, massive et aveugle, qui aurait pu signer l'arrêt de mort des économies fragiles des DOM-TOM. Heureusement, l'Assemblée nationale, sous la pression des élus ultramarins, a voté le rejet de ces mesures ces dernières semaines – l'article 7 supprimé le 14 novembre, les exonérations LODEOM sauvées le 7 novembre.
Ce recul n'efface pas l'intention : un gouvernement Lecornu qui, à cinq mois des municipales 2026, joue avec le feu ultramarin comme si c'était un détail administratif.
Au cœur du PLF 2026, l'article 7 n'était pas une broutille : il prévoyait d'abaisser de 11 points le taux de réduction d'impôt pour les investissements productifs en Outre-mer (de 40 % à 29 % pour les PME, par exemple), tout en plafonnant les crédits d'impôt à 200 millions d'euros annuels.
Ces dispositifs, hérités de la LODEOM de 2009 et renforcés en 2010, sont le poumon des économies ultramarines : ils compensent les surcoûts structurels (transport, énergie, matières premières) et attirent les capitaux dans des territoires où le PIB par habitant stagne à 60-70 % de la moyenne nationale.
Imaginez : en Guadeloupe ou en Martinique, où l'industrie et l'agroalimentaire peinent déjà face à la concurrence caribéenne, cette réforme aurait gelé des projets pour des centaines de millions.
Hervé Mariton, président de la Fedom (Fédération des entreprises d'Outre-mer), dénonçait un "rabot sans discernement, une faute économique et politique".
Et pour cause : ces aides ont généré 1,5 milliard d'euros d'investissements en 2024, créant 5 000 emplois directs. Les sabrer ? C'est comme couper les perfusions d'un patient déjà anémique, au nom d'une "rationalisation" budgétaire qui cible précisément les plus vulnérables. Aveugle, car Bercy ignore les spécificités ultramarines – insularité, éloignement, vulnérabilité climatique – et massive, car elle touche tous les secteurs, de l'hôtellerie-restauration au BTP.
Le rejet par les députés, le 14 novembre, est un sursis arraché de haute lutte : les ultramarins ont mobilisé, et le gouvernement, "prêt à revoir sa copie", a dû plier.
Mais pourquoi cette proposition initiale ? Un déficit public à 5,5 % du PIB en 2026 justifie-t-il d'étrangler les DOM pour 200 millions d'économies ?