Dans un coup de théâtre judiciaire qui sent le règlement de comptes aseptisé, le tribunal administratif de Basse-Terre a condamné le Mémorial ACTe – ce joyau ultramarin censé honorer la mémoire de l'esclavage et de la traite négrière – à verser 238 444 euros à son ancienne directrice, Laurella Rinçon. Une somme rondelette, correspondant aux salaires et indemnités dus depuis sa révocation en août 2023, comme si le temps suspendu des procédures administratives effaçait les zones d'ombre d'une gestion chaotique. Rinçon, figure clivante de la culture guadeloupéenne, sort une fois de plus blanchie, ou du moins indemnisée, par un système qui semble taillé sur mesure pour ses élites auto-proclamées.
Une affaire qui transforme un lieu de souvenir en arène de privilèges, où la justice civile rime avec impunité dorée.
Retour en arrière sur ce feuilleton guadeloupéen qui pue le copinage et les faux-semblants. Nommée directrice du Mémorial ACTe en 2019 par un conseil d'administration aux accents politiques – avec des figures comme Ary Chalus, maire de Pointe-à-Pitre, et des représentants de l'État –, Laurella Rinçon arrive avec un CV ronflant : ex-conseillère de Christiane Taubira, militante anticoloniale assumée.
Mais sous son règne, le temple de la mémoire, inauguré en 2015 pour 64 millions d'euros de fonds publics, sombre dans le marasme. Budget déficitaire, absences injustifiées du personnel, et soupçons de favoritisme : en avril 2023, elle est épinglée pour avoir attribué un marché de 900 000 euros à une société liée à son entourage, un scandale qui fait couler beaucoup d'encre locale.La révocation tombe comme un couperet le 25 août 2023 : faute grave, vote à la majorité du conseil, et fermeture sine die du mémorial jusqu'en 2024. Le site, censé accueillir 200 000 visiteurs par an, devient un fantôme, symbole d'une gestion qui a dilapidé la confiance des donateurs et des Guadeloupéens. Rinçon crie au complot, arguant d'une "découverte de 420 000 euros manquants" dans les caisses – une révélation qui, en 2021, avait déjà failli la faire virer, mais qui sonne comme un alibi tardif face aux audits implacables.
Pourtant, le 24 octobre 2025, le tribunal administratif annule les deux décisions de révocation (celle de 2021 et celle de 2023), condamnant l'institution à la payer rubis sur l'ongle : salaires, primes, et dommages pour "préjudice moral". Une victoire à la Pyrrhus pour le Mémorial, qui rogne déjà sur ses expositions pour boucler ses fins de mois.
Creusons le terreau fertile de cette protectionnisme institutionnel. Rinçon n'est pas une novice : proche des cercles socialistes guadeloupéens, elle a navigué dans les eaux troubles de la politique locale, où les frontières entre mandat public et intérêts privés s'effilochent comme un vieux hamac. Le procès pour favoritisme, intenté en 2023, s'est soldé par une relaxe partielle en avril 2024 : le tribunal a jugé "non coupable" pour le cœur du dossier, estimant que les preuves étaient "insuffisantes" – un verdict qui pue l'acquittement technique plus que la justice pure. Et pendant ce temps, les prud'hommes s'empilent : en 2024, elle remporte déjà 4 500 euros contre le Mémorial pour une première révocation annulée, et voilà que 2025 double la mise avec ces 238 000 euros, gonflés par les intérêts légaux.
Protégée par le système ? Absolument. Dans une Guadeloupe où les élus locaux (députés, maires) siègent au conseil d'administration du Mémorial – financé à 80 % par des fonds publics européens et nationaux –, Rinçon incarne le pantouflage culturel. Ses soutiens ? Une nébuleuse d'associations anticoloniales et de figures PS locales qui hurlent au "racisme d'État" dès qu'un audit pointe du doigt ses dérives. Résultat : un mémorial qui, dix ans après son ouverture, est secoué par "plusieurs affaires" judiciaires, comme le résume un bilan accablant de juillet 2025. Pendant que les expositions sur les chaînes de l'esclavage prennent la poussière, les indemnités pleuvent sur ceux qui ont tenu les rênes.
Cette condamnation n'est pas qu'un chèque en blanc pour Rinçon : c'est un crachat sur la mission du Mémorial ACTe. Imaginé comme un phare contre l'oubli, il est aujourd'hui synonyme de gabegie : 10 millions d'euros de budget annuel engloutis dans des contentieux, alors que les guides-conférenciers râlent pour des salaires en retard. La "directrice protégée" – avec son réseau tissé chez les élites parisiennes et pointoisiennes – file vers d'autres horizons, peut-être un poste à la Collectivité ou une fondation subventionnée, laissant derrière elle un édifice fissuré. Et le système ? Il ronronne : justice administrative qui traîne en longueur, élus qui recyclent les postes, et médias locaux qui titrent mollement sur "l'indemnisation due".
En clair, Laurella Rinçon n'est pas une victime : elle est le symptôme d'un ultramarin gangrené par le clientélisme, où la mémoire de l'esclavage sert de vernis à des magouilles contemporaines. 238 000 euros ? C'est le prix d'une impunité qui coûte cher aux contribuables guadeloupéens. Tant que des figures comme elle dansent sur les tombes symboliques des ancêtres, le Mémorial ACTe ne sera qu'un mausolée pour les privilèges, pas pour la vérité.
La vraie chaîne à briser n'est pas celle d'hier, mais celle qui lie encore les élites d'aujourd'hui.
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Détails sur le favoritisme allégué : L'affaire des marchés publics au Mémorial ACTe et la condamnation de Laurella Rinçon