Takata. Retenez bien ce nom. C’est celui d’une entreprise japonaise qui, pendant plus de quinze ans, a sciemment équipé des centaines de millions de véhicules avec des airbags qui explosent comme des grenades à fragmentation.
Résultat officiel : au moins 28 morts, plus de 400 blessés graves, dont certains ont eu le visage déchiqueté par des éclats d’acier projetés à plus de 300 km/h. Le vrai bilan est probablement bien plus lourd, car beaucoup de cas n’ont jamais été déclarés.
Le pire ? Takata savait. Dès 2001, les tests internes montraient que le nitrate d’ammonium phase-stabilisé qu’ils utilisaient (parce que c’était le moins cher) devenait instable avec le temps, l’humidité et la chaleur. Au lieu de changer de produit, ils ont falsifié les rapports, truqué les données, licencié les ingénieurs qui osaient parler, et continué à livrer leurs saloperies à Honda, Toyota, BMW, Ford, Nissan, Mazda… Tous savaient aussi, ou auraient dû savoir. Mais le prix était bas, alors on a fermé les yeux.
Conséquence : le plus grand rappel automobile de l’histoire – plus de 100 millions de véhicules rappelés dans le monde, dont encore plusieurs dizaines de milliers en circulation en 2025, surtout dans les zones chaudes et humides où la dégradation est la plus rapide (Antilles, Guyane, Réunion, Pacifique).
Et pendant que les constructeurs et autorités se renvoyaient la balle pendant des années, des gens continuaient à rouler avec une bombe entre les mains.
En 2019-2020 déjà, face au mépris absolu des constructeurs qui traînaient à envoyer les pièces et les techniciens habilités, la préfecture, la Deal et plusieurs garages (notamment Renault et Peugeot à Ducos et au Lamentin) ont monté des unités mobiles de remplacement d’airbags Takata. Un camion atelier qui se déplace dans les week-ends sur les parkings de centres commerciaux, mairies, zones industrielles. Vous prenez rendez-vous en ligne ou par téléphone, vous arrivez, 45 minutes plus tard votre airbag criminel est remplacé gratuitement, et vous repartez avec un véhicule redevenu sûr.
Résultat : en quelques mois, la Martinique a traité une proportion de véhicules rappelés bien supérieure à la métropole. Là où en France hexagonale on en était encore à supplier les gens de venir chez le concessionnaire (quand ils daignaient avoir les pièces), la Martinique est est allée chercher les gens chez eux.
C’est ça, la différence entre une administration qui se bouge et une qui attend que le problème disparaisse tout seul (ou que les victimes se taisent).
Le scandale Takata n’est pas qu’une histoire de pièce défectueuse. C’est la preuve éclatée (c’est le cas de le dire) que le capitalisme automobile préfère tuer à petit feu plutôt que de perdre quelques yens par airbag.
Et la seule réponse digne qui ait été apportée en France n’est pas venue de Tokyo, ni de Wolfsburg, ni de Paris… elle est venue d’un petit territoire d’outre-mer qu’on traite habituellement comme une variable d’ajustement.

Le CCIE (Groupe Citadelle), importateur Toyota depuis 1972 et distributeur Suzuki, a enfin décidé d’arrêter de supplier poliment les gens et de passer à l’offensive : plus de 2 800 véhicules roulent encore avec des airbags Takata défectueux sur les routes martiniquaises. Des grenades prêtes à exploser au moindre choc, ou même sans choc, parce que la chaleur et l’humidité tropicale transforment le nitrate d’ammonium en dynamite instable.
Et là, miracle : le CCIE déploie une unité mobile de sécurisation Takata à bord d’une Yaris Cross balisée comme un sapin de Noël. Pas de rendez-vous, pas de paperasse, moins de 60 minutes d’intervention, et pour faire venir les récalcitrants : un plein d’essence gratuit du 17 novembre au 16 décembre. Oui, vous avez bien lu : on vous offre 50 litres de carburant pour que vous veniez enfin faire virer cette "saloperie" qui peut vous déchiqueter le visage.
Parce qu' en 2025 – dix années après le début du scandale – il reste encore 2 800 véhicules Toyota, Lexus, Suzuki et même Chevrolet (que le CCIE prend aussi en charge) avec ces airbags criminels. 681 remplacements depuis janvier, 67 en octobre… À ce rythme, "on sera tous morts" avant que la dernière bombe soit désamorcée.
Takata a menti, truqué les tests, laissé pourrir ses produits pour économiser quelques centimes.
Les constructeurs ont fermé les yeux parce que c’était pas cher. Les autorités françaises ont mis des années à bouger le petit doigt. Et pendant ce temps, des victimes confirmées en métropole.
Combien en Outre-mer ? On ne compte plus. Mais chut, business is business. Heureusement, en Martinique, on n’attend plus Paris ni Tokyo. Le CCIE prend le taureau par les cornes et va chercher les gens là où ils sont : parkings de centres commerciaux, zones industrielles, communes…
Comme en 2019-2020, quand l’île avait montré à la France entière comment on fait quand on veut sauver des vies plutôt que de remplir des tableaux Excel et laisser des Call, des plates-formes téléphoniques annoncer la douloureuse aux propriétaires : "on va prendre vos noms, téléphones et caractéristiques de votre véhicule et commander les airbags. Quatre à six semaines d'attente". Certains attendent depuis plus de six mois. Imaginez la colère montante au téléphone.
Alors oui, ce communiqué du 17 novembre est un électrochoc bienvenu. Il dit : « On en a marre d’attendre que quelqu’un meure ici pour que ça bouge. » Il dit : « Venez, on vous offre même l’essence, bordel ! » À tous les proprios de Toyota RAV4, Yaris, Corolla, Hilux, de Suzuki Vitara, SX4, de Lexus ou de ces vieilles Chevrolet importées : arrêtez de jouer à la roulette russe. Appelez le 0596 39 41 79 ou guettez la Yaris Cross Takata sur les routes.
Votre airbag n’est pas une option. C’est une condamnation à mort différée.
La pression s’accélère au niveau judiciaire dans le scandale des airbags Takata : des géants de l’auto dans le viseur.
La justice française vient de passer à la vitesse supérieure. Stellantis (ex-PSA, avec ses Citroën et Peugeot) n’est plus le seul dans le collimateur : Toyota, Volkswagen et BMW rejoignent la liste des suspects, visés par trois nouvelles informations judiciaires ouvertes par les juges d’instruction du pôle santé publique de la Juridiction interrégionale spécialisée (JIRS) de Paris.
Le parquet de Paris l’a confirmé vendredi 14 novembre, suite à une plainte déposée par l’association UFC-Que Choisir, qui dénonce des "agissements lourds" : tromperie aggravée, pratiques commerciales trompeuses et mise en danger délibérée de la vie d’autrui.
Me Charles-Henri Coppet, qui défend 11 familles de morts et 14 blessés, accuse : "Ils ont fait les autruches pendant dix ans. Ils connaissaient le problème mais n’ont pas rappelé."
Les juges veulent maintenant trancher : qu’ont-ils fait (ou pas fait) une fois informés ? Et l’État, avec ses rappels trop tardifs, portera-t-il aussi sa part ?

Lancée en juillet 2024 contre Stellantis, l’action collective des automobilistes lésés s’élargit comme une marée noire.
Annoncée le 13 novembre 2025, elle cible désormais 9 constructeurs et des dizaines de nouveaux modèles (Toyota Yaris, VW Polo, BMW 1, plus des Fiat et Alfa Romeo chez Stellantis). Déjà 3 000 plaignants pour préjudices corporels ou matériels – immobilisation forcée, perte de valeur du véhicule, blessures graves (visages déchiquetés, cordes vocales sectionnées).
Inscriptions ouvertes jusqu’au 30 décembre 2025 via la plateforme MyLeo ; il suffit d’un justificatif de rappel ou d’un accident lié. UFC-Que Choisir salue : "Bonne nouvelle pour les consommateurs. Il faut faire confiance à la justice."
Des enquêtes en cascade : Outre-mer dans le viseur
La pression n’épargne personne. Fin octobre 2025, une nouvelle enquête pour mort suspecte s’ouvre en Nouvelle-Calédonie.
À La Réunion, un distributeur BMW (Leal Réunion) est mis en examen depuis mars pour blessures involontaires après un accident de 2020 : un airbag Takata explose dans une BMW 318i de 2001, sans alerte préalable. Et en Martinique ? Le parquet de Fort-de-France s’est dessaisi en juin d’une enquête sur un décès de 2021 (un homme de 67 ans dans une Citroën C3 aux Trois-Îlets), vers Paris pour centraliser.
À l’international : amendes et verdicts qui tombent
Aux USA, les class actions s’empilent : Ford paie 300 millions de dollars en 2025 pour 1,35 million de véhicules ; Volkswagen 42 millions ; BMW, Toyota et Mazda ont des deadlines de claims jusqu’à fin 2025 (novembre pour Toyota, décembre pour BMW).
Un jury floridien accorde 3 millions à une victime en mai 2025, via le fonds Takata.