Samedi soir, la cour criminelle de Paris a acquitté Alex Ursulet, 68 ans, figure emblématique du barreau parisien et avocat martiniquais, accusé de viol sur une ancienne stagiaire bordelaise.
Les faits remontent à janvier 2018 : une étudiante de 24 ans dénonce un viol dans les locaux du cabinet Ursulet & Associés, après une soirée arrosée. Le parquet général, par la voix de Philippe Courroye, avait requis 13 ans de réclusion criminelle, fustigeant une "personnalité dominatrice" et un "rapport d'emprise" – un "droit de cuissage" pour l'avocat général.
Pourtant, les juges ont tranché : pas de viol, pas de condamnation. Une relaxe qui soulève un tollé : dans un pays où le viol est un fléau (1 femme sur 4 touchée, selon l'Observatoire des violences faites aux femmes), cette décision interroge la complaisance judiciaire envers les puissants.
Ursulet, défenseur de Guy Georges ou des victimes du chlordécone, incarne-t-il une élite intouchable ?
L'audience, ouverte le 11 novembre devant la cour criminelle de Paris (procédure allégée sans jury populaire), a été riche en événements dramatiques. La plaignante, anonyme, décrit une agression sous emprise : "Il m'a plaquée contre le bureau, j'ai dit non, mais il a continué."
Alex Ursulet, de son côté, assume une "relation consentie", un "baiser passionné" après des verres partagés – "Pas de dérive, ni de déviance sexuelle", jure-t-il à l'ouverture.
Les expertises psychiatriques brossent un portrait contrasté : un homme "charismatique" mais "narcissique", avec un "rapport de pouvoir" patent dans son cabinet, où les stagiaires – souvent jeunes et vulnérables – évoluent sous son autorité absolue.
Le réquisitoire de Courroye, samedi matin, est un uppercut : 13 ans ferme, plus 5 ans de suivi socio-judiciaire, pour un viol "aggravé par l'abus d'autorité". L'avocat général dénonce un "système" où Ursulet, "ténor de la défense", instrumentalise son statut pour "protéger" et "dominer".
Mais la défense, menée par Me Jean-Marc Florand, contre-attaque : absence de preuves physiques (délai de plainte trop long), contradictions dans le récit, et un "consentement mutuel" sous l'emprise de l'alcool. Verdict : acquittement pur et simple, au grand dam de la partie civile. "C'est une victoire de la vérité", se félicite Ursulet, qui clame son innocence depuis sept ans.
Ce non-lieu judiciaire n'efface pas les ombres : une plainte classée sans suite en 2019, rouverte en 2021, et un procès relancé par la cour d'appel.
Dans un contexte #MeToo tardif en France, où seulement 10 % des viols aboutissent à une condamnation, ce cas expose les failles : la parole de la victime, souvent discréditée par le "manque de preuves", contre le prestige de l'accusé.
Alex Ursulet n'est pas n'importe qui. Avocat pénaliste de renom, il a défendu le tueur en série Guy Georges (condamné à perpétuité en 2001), plaidé pour les victimes du chlordécone en Martinique – où il accuse le parquet d'être "avocat de la défense" en appel en juin 2024.
Martiniquais d'origine, il incarne une réussite ultramarine au cœur de Paris, avec un cabinet florissant et une plume acérée contre les injustices – son livre "Pourquoi me tutoyez-vous ?" (2014) dénonce le racisme policier.
Mais ce vernis d'"avocat des damnés" cache-t-il un autre visage ? Des témoignages anonymes, évoqués en audience, parlent d'un "père fouettard" au cabinet, où l'autorité glisse vers l'humiliation. L'acquittement renforce ce mythe d'invincibilité : un "ténor" du barreau, protégé par ses pairs ? Le Bâtonnier de Paris, qui s'est constitué partie civile pour "trouble à l'ordre public", avait pourtant poussé pour un procès exemplaire.
Résultat : une justice qui semble à deux vitesses, où les élites judiciaires bénéficient d'une présomption d'innocence hypertrophiée, au détriment des victimes anonymes. En 2024, le Sénat pointait déjà un "taux d'acquittement record" pour les viols (70 %), souvent pour "doute raisonnable". Ici, ce doute semble sur-mesure.
Cette affaire n'est pas isolée : elle fait écho au procès de Nicolas Hulot (classé sans suite en 2022) ou à l'acquittement de Dominique Pelicot (non, c'est l'inverse – mais le pattern est là : les puissants s'en sortent souvent).
Pour les féministes, c'est un coup de massue : "Une justice patriarcale qui protège les siens", tweete Osez le Féminisme ce matin.
La plaignante, brisée par sept ans de procédure, envisage un appel – mais à quel prix ?
Ce verdict, rendu en pleine Semaine contre les violences faites aux femmes, sonne comme un aveu d'échec. La cour a-t-elle cédé à la "réputation" d'Ursulet, ou vraiment pesé les preuves ?
Sans transparence sur les motivations (délibéré à huis clos), le doute persiste. Et si c'était l'inverse ? Un acquittement injuste qui décourage les plaignantes, perpétuant le silence.
Alex Ursulet est libre. La justice a tranché . Elle a considéré qu'il n'y avait pas d'éléments suffisants pour caractériser le viol.