Qui s'inquiète de ce qu'il se déroule en ce moment au Soudan ? Près de 300.000 personnes ont fui le pays en 2025, estime l’ONU.
Les combats se sont intensifiés en mars au Soudan du Sud, plus jeune pays du monde, devenu indépendant du Soudan en 2011, qui connaît depuis des années une grande instabilité et un très fort taux de pauvreté malgré l’exploitation de pétrole dans ses sols. D’abord localisées dans le nord-est, les violences ont ensuite atteint le sud du pays, même si la plupart des territoires restent pour l’instant épargnés.
Et alors que le conflit au Soudan entre dans sa troisième année, le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies a voté lundi à Genève, pour une prolongation d’une année de ses investigations sur les abus graves commis dans ce pays, malgré les objections des autorités de Khartoum.
Le conflit au Soudan, qui oppose depuis avril 2023 les Forces armées soudanaises (FAS) aux Forces de soutien rapide (FSR), continue de s'aggraver, provoquant une des plus graves crises humanitaires au monde. Avec des milliers de morts, plus de 12 millions de déplacés et une famine confirmée dans plusieurs régions, notamment au Darfour, le monde entier retient son souffle. Mais qui, précisément, tire la sonnette d'alarme ? Des organisations internationales aux pays voisins, en passant par les ONG et les puissances occidentales, les voix s'élèvent pour dénoncer l'escalade et plaider pour une solution politique. Retour sur les acteurs les plus concernés.
L'Organisation des Nations Unies (ONU) est sans doute l'entité la plus vocale sur la situation soudanaise. Le Secrétaire général António Guterres a exprimé une "grande inquiétude" quant à la détérioration rapide de la situation à El Fasher, capitale du Darfour-Nord, assiégée depuis plus de 500 jours par les FSR. Il met en garde contre les risques croissants pour les civils, exposés à des bombardements, des raids et des attaques à motivation ethnique, et appelle à une cessation immédiate des hostilités ainsi qu'à un accès humanitaire sans entraves. La Coordonnatrice humanitaire au Soudan, Denise Brown, s'est dite "profondément alarmée" par une attaque contre une mosquée à El Fasher, qui aurait tué des dizaines de civils, qualifiant cela de crime de guerre potentiel et exigeant des enquêtes et des poursuites. L'Envoyé personnel de l'ONU pour le Soudan, Ramtane Lamamra, se dit prêt à soutenir un processus politique inclusif. Globalement, l'ONU alerte sur le risque "très élevé" de génocide, de crimes de guerre et contre l'humanité, avec une ethnicisation croissante du conflit et une propagation régionale menaçante. En septembre 2025, un rapport du Bureau des droits de l'homme de l'ONU soulignait l'intensification des violences ces derniers mois.
Sur le continent, l'Union Africaine (UA) exprime une "profonde préoccupation" face à la poursuite du conflit armé et ses effets dévastateurs sur le peuple soudanais et la région. Le Conseil de Paix et de Sécurité (CPS) de l'UA s'inquiète particulièrement du siège d'El Fasher et des combats incessants qui ravagent les moyens de subsistance, ainsi que des crimes de guerre, crimes contre l'humanité et violations des droits humains perpétrés par les deux camps. Elle condamne les ingérences extérieures qui alimentent le conflit, en violation des résolutions internationales. Parmi les actions recommandées : un cessez-le-feu immédiat et permanent, une trêve humanitaire pendant le Ramadan 2025, l'ouverture de couloirs humanitaires, la protection des civils et un dialogue national inclusif dirigé par les Soudanais. L'UA a rejeté en juillet 2025 la création d'un "gouvernement parallèle" annoncé par les FSR, le qualifiant de menace à la stabilité, et maintient la suspension du Soudan de ses instances jusqu'à un retour à l'ordre constitutionnel. Des efforts diplomatiques, comme ceux menés par le président ougandais Yoweri Museveni via un comité ad hoc, sont salués et encouragés.
Les organisations non gouvernementales (ONG) sont en première ligne et multiplient les alertes. Human Rights Watch (HRW) dénonce dans son rapport mondial 2025 une catastrophe humanitaire majeure, avec famine confirmée dans le plus grand camp de déplacés du Darfour en août. Amnesty International met en lumière le recours généralisé aux violences sexuelles, comme les viols et l'esclavage sexuel, dans un rapport d'avril 2025. Le Comité International de la Croix-Rouge (CICR) publie en avril un bilan glaçant : plus de 12 millions de personnes déracinées après deux ans de guerre. L'International Rescue Committee (IRC) et le Norwegian Refugee Council (NRC) soulignent les attaques fréquentes contre les civils, l'effondrement du système de santé et l'échec des médiations diplomatiques, aggravés par le soutien étranger en armes. Global Refuge estime que près de 13 millions de personnes ont été déplacées en avril 2025, touchant 64 % de la population soudanaise.
Les réactions des États varient, mais les pays voisins sont les plus directement impactés. Le conflit a provoqué des flux massifs de réfugiés vers l'Égypte, l'Éthiopie, le Tchad et le Soudan du Sud, où 300 000 personnes ont fui en 2025 en raison de l'instabilité régionale. L'Union Européenne, via des conférences comme celle de Londres en avril 2025, appelle à une action concertée pour restaurer la paix. La France, coprésidente avec l'UA d'une réunion ministérielle en septembre 2025, insiste sur un processus politique inclusif. Aux États-Unis, le Département d'État a participé à des déclarations conjointes pour mettre fin aux souffrances des Soudanais, bien que des critiques pointent un gel d'aide humanitaire sous l'administration Trump aggravant la famine. Le Royaume-Uni et d'autres puissances occidentales, via Chatham House, regrettent un manque d'attention diplomatique de haut niveau et plaident pour une priorisation accrue. Des acteurs comme la Russie, l'Égypte, les Émirats arabes unis et l'Iran sont accusés d'ingérences, alimentant les tensions.
Malgré ces alertes unanimes, le conflit persiste, avec des avancées territoriales des FSR en juin 2025 le long des frontières libyenne et égyptienne, et une reprise de Khartoum par les FAS en mars. Le monde – de l'ONU à l'UA, en passant par les ONG et les États – s'inquiète d'une spirale de violence ethnique et d'une crise humanitaire qui pourrait déstabiliser toute l'Afrique de l'Est. Comme le résume un expert de l'ONU : "Le monde avait dit 'plus jamais ça' après le Darfour il y a 20 ans, mais ça recommence." L'heure est à un dialogue inclusif et à une pression internationale accrue pour imposer un cessez-le-feu. Sans cela, le Soudan risque de devenir le symbole tragique d'un oubli collectif.